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J’ai choisis d’être vulnérable

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« Bienvenue ! Bienvenue dans le monde des Superhéros ! », c’est ainsi que m’a accueilli la sage-femme qui m’a vu pointer le bout de mon nez. Mes parents m’ont déposé au milieu d’une foule d’hommes et de femmes dotés de pouvoirs surnaturels. Ils m’ont filé une cape, un masque et m’ont dit que j’étais armé. Maintenant, Débrouille-toi.

Je suis né Moi. J’aurais pu naître toi, mais ce n’est pas le cas. La nature m’a offert une étincelle et un potentiel. On m’a dit : « Fais en ce que tu veux, l’univers des possibles s’offre à toi. Mais attention, tu feras comme tout le monde. Sois fort, ne pleure pas et n’échoue pas.». J’ai demandé pourquoi, ils m’ont répondu « C’est comme ça. ». Argumentaire accepté.

C’est ainsi que j’ai fait mes premiers pas dans cet univers du paraître. Avec une pression de 100 bars sur mes épaules. Gandalf et l’autre blair de Frodon ont eu leur quête de l’anneau, j’ai la mienne. Par mimétisme, j’ai su faire. Avec le temps, j’ai revêtu mon costume de surhomme, le même que le tien. J’ai été formaté à haïr les faibles, à devenir une machine de guerre. Prêt à tout terrasser, tout voir, tout connaître, tout vivre. Sans faillir. Surtout, ne jamais faillir.

J’ai pris ma vie dans un bol et l’ai saupoudré d’aspartame. J’ai opté pour “le régime Mannequin”: Pomme et vodka, toute la chair doit disparaître. J’ai lissé mes particularités comme on polit une porcelaine de Limoges. J‘ai poncé à la manière d’un acharné afin de décaper la moindre aspérité; jusqu’à ce qu’on ait envie de bouffer dedans tellement c’est propre; jusqu’à la perfection. Alors, sans spécificité, sans écorchures et sans saveur, le groupe m’a accepté comme l’un des leur.

J’ai touché du doigt le statut de Superhéros. Il ressent quoi Superman ? Pas grand chose. Il est fort. Point. Cette cape protectrice est devenue une carapace. M’isolant de l’extérieur, de l’intérieur. Le masque s’est incrusté dans chaque pore. Chaque cellule épidermique. Derrière, je me cache. J’ai recouvert mes émotions. J’ai anesthésié mes peurs, ma tristesse, mes angoisses et mes faiblesses, mais aussi ma joie, mon sourire, mes sentiments amoureux et mes talents. Ressentir m’était devenu inconfortable. J’ai tout étouffé pour ne pas avoir mal, ne pas avoir bon.

Je suis passé de Batman à l’homme au masque de fer. Le costume est devenu ma camisole, bien trop étroite pour ne pas m’étouffer. Je me suis embastillé dans ce culte de la personnalité où tout est à perfectionner. Quitte à prendre la graisse de mon cul pour combler mes rides. A botoxer mon sourire et domestiquer mes larmes. Quitte à refouler ce que ce que je suis et fausser mon identité. A la façon d’un légionnaire, je deviens un anonyme derrière le masque. Ici, c’est marche ou crève. J’encaisse, je tombe et me relève. Je ne perds pas de temps. En avant marche.

C’est ça la vie ? Donner des coups, en recevoir et ne rien laisser paraître ?

Ce matin,

J’ai la gueule de bois,

La pâteuse au fond de la bouche,

Je cherche mon souffle

Etait-ce un rêve ou la réalité ?

Putain, filez-moi de l’air.

Déshydraté, azoté, en plat préparé.

Qu’importe.

Je m’extirpe d’une longue apnée

Ivre de tant d’années de léthargie.

Ce matin,

Mon pote, je t’ai enterré.

Le masque est tombé.

Le masque finit toujours par tomber.

Devant le miroir, j‘ai le costume esquinté. La cape se détache. Sans elle, je chute. C’est effrayant. Les particules de rage et d’extase s’entrechoquent. Je fais valdinguer les barbelés autour de mes émotions. Je perds le contrôle. C’est détonant. L’armure fendue, elle vole en éclat.

Les yeux ouverts, face à la glace, je reprends mon apparence humaine. Je ressens le malaise d’être passé à côté de mes émotions. Je comprends que cela ne rend pas parfait de devoir avoir l’air parfait. La perfection est une Oasis dans le désert. Tu la désires, tu l’aperçois, et ne l’atteints jamais. Elle est une illusion, une souffrance dans nos regards. Je suis né imparfait. Une fois que tu comprends cela, tu ne peux plus revenir en arrière, c’est du déni. Le déni c’est le repli, la confection d’une nouvelle armure. ; le chemin vers une mort lente. Celle de qui tu es. Prend la pelle et creuse ton trou.

Pourquoi vivre sous perfusion de morphine?

Parce que la honte. Au fond, c’est ça. J’ai peur que les autres se rendent compte que je ne suis pas un surhomme; mais un mec normal avec des peurs simples. Celles d’être seul, de ne pas être à la hauteur. Alors j’ai fait comme toi. Pour que tu m’apprécies ; que tu te retrouves en moi et ne pas être ton invisible.

J’ai éteint l’étincelle de mes débuts afin d’éviter le brasier. Je me suis atrophié dans la masse. J’angoisse d’être différent. Et si vous vous en rendiez compte, me garderiez-vous avec vous ? Le méritai-je seulement? La honte est la chape de tout ce que j’ai construit. Elle inhibe le courage, celui qui permet de raconter qui je suis. Elle m’a imposé des limites. J’en ai oublié ma valeur intrinsèque.

La honte est cette lutte à contre-courant. Mais pourquoi résister à qui je suis ? Il est peut-être temps que je m’accepte. Ce n’est pas en me réfugiant derrière elle que je vais me révéler. Que je vais changer les choses. A agir toujours de la même manière, on en oublie d’affronter ses peurs et d’aller là où personne n’ira pour nous. En nous. J‘abandonne l’idée que je me faisais de ce que j’aurais dû être, afin d’exprimer ce que je suis. L’essentiel est d’être ancré dans la réalité et non dans un soi inventé. Vient le moment de me mettre à nu. De dévoiler mes vérités. C’est violent d’être soi. J’veux dire, vraiment soi. De s’ouvrir. A tout. A vous.

Ce matin,

Mon pote, je t’ai enterré.

Le masque est tombé,

Le masque tombe toujours.

Et j’ai chialé.

Comme un faible ?

Dans cette fabrique à bonhomme, on m’a pointé du doigt “Pleurer c’est tricher!”. Vraiment ? Alors, dissimuler c’est gagner ? Bon sang, avec toutes ces émotions que j’ai muselées, avec ces coups de glaive que je leur ai donnés, je mérite mon entrée au mausolée. Non. Je crois que je fais fausse route. Je crois que me dominer au point de m’auto-censurer, c’est m’emprisonner, qu’il s’agit d’un piège dans lequel je suis tombé, une construction sociale dans laquelle on m’a éduqué. Pleurer n’est pas une défaillance. Pleurer, c’est vrai et même ardent. Pleurer c’est être vivant.

Je me rencontre. Quelle étrange sensation que de faire sa propre connaissance après tant d’années. Je suis un alliage de qualités et de défauts. Je suis né vulnérable. Est-ce que vulnérable c’est être faible ? C’est être suffisamment fort pour dévoiler ses fragilités. C’est avoir les tripes de s’explorer. De découvrir la noirceur de notre âme, de s’en effrayer et d’apercevoir la lumière au bout du tunnel.

Ce changement n’est pas ailleurs, il est ici, en moi. C’est ma mission. M’accepter pour m’ouvrir à l’autre. Lui donner la possibilité de voir chaque partie de ce que je suis. Par les mots, les attentions et les gestes. C’est lui permettre de se libérer à son tour, de l’inciter au courage. Celui d’être authentique. Alors on détruit le mur que l’on s’est érigé. A coups de masse; à coups de vérités. Ce qui compte n’est pas tant la prouesse de la domination que le fait d’être soi. Au moins une fois, puis toutes les autres.

La vulnérabilité, c’est être honnête. Envers moi. Envers toi. Le monde a besoin de gens prêts à offrir leur vérité. De gens qui se risquent à dévoiler leur noirceur, à donner leur meilleur. Se dépassent et se font dépasser. De gens qui prennent des décisions qui impactent leur vie. Qui échouent et recommencent. Qui s’effondrent. Et merde, on a droit de toucher le fond. Tout n’est pas fade et stérile. Je suis jaloux, confiant, enthousiaste, moqueur et susceptible. Suis-je la part sombre ou bien la lumière ? Je suis les deux. Et toutes les autres à la fois. Celle qui se trompe, celle qui rit, qui ment et qui trahi. Celle qui a mal lorsque on la transperce. Qui fait l’amour et qui dit « je t’aime » en premier.

Et puis, on n’est pas si invisible que ça. Au contraire. Les gens nous voient de part la Liberté que l’on dégage. L’imperfection. L’apaisement. On est visible parce qu’on vit et que cela se sent. On est visible d’être soi.

Ce matin,

Mon pote, je t’ai enterré.

Le masque est tombé,

Le masque tombe toujours.

Et j’ai chialé.

Comme un faible ?

Non, comme un Homme.

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Jean-baptiste Jlt
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Written by Jean-baptiste Jlt

Tribulations (d’une grande personne)

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