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Vue du Kumano Kodo, Japon — Edith Maulandi

Échange de service, une façon de devenir un.e meilleur.e humain.e ?

7 min readNov 26, 2019

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Ça pourrait sembler bizarre au début. Genre, pour tes vacances ou ton temps libre, tu veux aller travailler chez des inconnu.e.s ? Mais pas pour un salaire, juste pour le plaisir ? Enfin, oui, tu te fais héberger et nourrir, mais tu sais pas où tu vas tomber, si ça se trouve c’est tout cracra … ? Si ça se trouve tu vas te faire exploiter, les gens ne seront pas intéressants, ce sera ennuyant ou épuisant …

C’est presque ça ! Sauf qu’il y a un tout petit peu plus derrière …

Échange de service : arrangement amiable où un lieu (à l’origine des fermes écologiques avec le woofing) accueille des volontaires et leur fournit gîte et couvert en échange d’un certain nombre d’heure de travail par jour. Le but étant pour chacun de partager expériences, connaissances et compétences. Des sites comme — dans des fermes écologiques uniquement — ou et facilitent la mise en relation entre hébergeant et volontaire.

Février 2017, Thaïlande

J’ai mal partout. Aujourd’hui on est allé dans la forêt pour couper des troncs d’arbres et des bambous. C’est lourd un tronc d’arbre à porter. Le décalage est assez fort après juste deux semaines en Thaïlande, loin de mon confort parisien. Je reviens à la base. Avant le café, il y a couper du bois, faire du feu, faire chauffer l’eau, moudre le café. Un bois rare et rouge permet de démarrer super vite le feu, on l’économise. Il y a deux gros buffles dont j’ai assez peur. On leur fais un enclos avec le bois et les bambous pour étendre leur terrain de jeu. C’est dingue le bambou, on apprend comment le couper à la machette et le clouer de la bonne façon pour maximiser sa solidité.

Peu d’échanges au début avec les autres volontaires et avec Jim, ancien moine, ambiance méditative, on garde la parole pour le strict nécessaire. D’abord on observe, on essaye de comprendre et d’aider en fonction. Sauf le soir, c’est la veillée insctructive avec des histoires et open questions pour Jim. Cette fois, c’est un peu trop rude pour moi à ce moment là, je pars plus tôt que prévu, mais j’ai l’impression d’avoir appris tellement en si peu de temps.

Mai 2017, Malaisie

Je n’avais jamias collé des étiquettes avec du lait. Mais en fait avec le bon papier ça marche trop bien, et on peu réutiliser les bouteilles après. Le jeudi on rempli les bouteilles, on colle les étiquettes et on laisse la fermentation agir pendant 24h avant de livrer et d’aller vendre les bouteilles au marché. Je n’avais jamais goûté, ni même pensé à comment c’était fabriqué. Mais maintenant, je suis carrément addict à la bière au gingembre (enfin 0.1% d’alcool, ça va).

Le couple malais chez qui je vis respire la gratitude, alors qu’ils ont vraiment beaucoup de boulot et ne roulent pas sur l’or. J’apprends la valeur d’un beau merci. Amélia donne aussi des cours, et il y a souvent un de ses étudiants qui passent à la maison pour un conseil de vie avisé. Respectivement d’origine indienne et chinoise, j’écoute les histoires de communication des fois un peu compliqué entre les deux familles. Là, j’ai les mains qui piquent, après plusieurs kilos de gingembre épluché à la petite cuillère (super technique pour garder plus de chair).

Mai 2019, France

Ça m’a manqué ici. Les Cévennes c’est pourtant à moins de 2h de là où je vis en ce moment. Manque cruel de vert et de chant d’oiseaux ! Là, j’enlève les mauvaises herbes d’une parcelle de navets depuis une heure. C’est à la fois fatiguant et jouissif. Travailler la terre donne la sensation de nettoyer son esprit un peu aussi. J’ai mal au dos mais je suis contente. Je repense à Philippe, qui m’accueille. J’ai appris seulement pendant ce second séjour ici qu’il a vécu sans logement pendant plusieurs dizaines d’années, entre l’Asie et un campement dans le bois de Boulogne. Hors système, sans grandes possessions mais tout à fait organisé. Il est lui même en train de faire un échange de service si on veut, s’occupant de cette maison et de son potager pour la propriétaire qui vient de temps en temps.

On a fait du pain, et plein de préparations fermentées plus ou moins odorantes, mai tellement puissante pour le corps. Je vais repartir avec des graînes de Kefir. Je me demande si ces petites bêtes vont bien s’accoutumer à Montpellier.

Octobre 2019, Japon

Je remet des bûches dans le feu, dans un joli receptable à feu de joie en fer. On voit tellement bien les étoiles d’ici. Demain c’est 満月 mangetsu, la pleine lune en japonais. Il commence à faire frais le soir dans la montagne à faible altitude, mais près du feu, c’est un régal. Un homme sans âge (mais en fait il en a 70 d’années) parle avec un Pocketalk, qui traduit du japonais au français. Il m’apprends un peu de japonais, et il m’impressionne de sa patience devant mon cerveau qui se vide aussi vite qu’il se remplit. On travaille ensemble dans cet hôtel traidtionel qui se trouve le long d’un pelerinage historique, le Kumano Kodo. Il semble être un homme simple, et en même temps tu sais quand tu le rencontres qu’il y a aussi une grande sagesse en lui. Distillée petit à petit ou tout d’un coup au coin du feu. Le Pocketalk traduit même bien des propos sur la conscience et l’univers. Demain, on fera les lits et on nettoiera les chambres avec vue sur la montagne verdoyante qui commence à changer de couleur vers le jaune, l’orange, le rouge et même le pourpre. Je crois que je vais rester ici plus longtemps que prévu.

On parlait de l’échange de service ? Pourquoi ça ferait de nous de meilleur.e.s humain.e.s ?

Rendez-vous avec la différence.

C’est un moyen magnifique pour rencontrer des gens que tu n’aurais jamais rencontré par ailleurs (hôtes ou autres helpers). S’y exposer c’est important. Ne pas oublier qu’ailleurs c’est différent, sans aller forcément loin. D’autres vies, d’autres points de vues, d’autres idées. Ça rafraichit, ça stimule, et du coup tu as de bonnes chances de t’élargir l’esprit.

Et accessoirement de te faire pleins de nouve.aux.lles ami.e.s de partout dans le monde même en France.

La monnaie c’est l’expérience de la vie.

Tu vas sois transmettre — si tu as une compétence précise qui intéresses tes hôtes — et/ou te faire transmettre de nouvelles capacités pour contribuer. Sans parler de tes expriences de vie, de ton état d’esprit du moment et de celles de ceux des gens qui t’entourerons. Du coup tu as des chances d’élargir ton savoir-faire. Pour zéro euros. Ici chacun apporte de la valeur par son temps, son savoir, son état d’esprit, sa nourriture, son logement. Échange de valeur, pas forcément d’argent.

S’oublier pour mieux (se) comprendre.

Et pour vivre avec des gens qui t’étaient inconnu.e.s jusqu’alors, il te faudra t’adapter, oublier ce que tu penses juste ou bien et essayer de voir à travers leurs yeux, leurs manières de faire. Du coup tu as des chances de gagner en humilité.

À chaque fois, sans être évident, c’était repartir de zéro, se défaire du plus de couches possibles de croyances et de conditionnements, pour essayer d’être un peu plus « vierge » pour emmagasiner un maximum de nouvelles choses, de la manière de voir à la technique employée. Savoir ce qu’on sait, mais dans un état où on peut accueillir tout ce qui est nouveau sans trop de jugement pour vraiment l’apprécier. Et faire le tri plus tard, de ce qu’on garde de soi, ce qu’on intègre ou pas des expériences qu’on a vécu.

Prototyper ton futur.

Moins cher que 2 semaines de formation où tu te rends compte à la fin que ce n’était pas pour toi. Si tu es un peu perdu.e, et que tu t’intéresses à la permaculture, à l’hôtellerie, ou savoir si tu pourrais vivre à la campagne … la meilleure solution c’est d’essayer pour voir. Comment ? Ben échange de service, pardis !

Tout ça en étant hébergé.e et nourri.e, pas mal non ?

De tous mes voyages, les moments les plus enrichissants ont toujours été ces périodes d’échanges de services, de deux semaines à deux mois. Souvent des nouvelles familles pour un temps. Certains m’ont mis des claques méritées (métaphore hein), certains m’ont appris la gratitude, certains m’ont questionnés très très profond, certains m’ont fait expérimenter des choses que jamais je n’aurais imaginé faire.

C’est ce qui m’a le plus fait évoluer, vivre et donner un coup de main dans des lieux improbables pour la moi d’avant. J’ai l’impression d’avoir grandi un maximum grâce à tous ces gens et ces moments partagés. Je ne sais pas trop encore comment rendre tout ce que j’ai acquis. Un premier pas c’est cet article pour te donner envie d’essayer.

Humilité, empathie, ouverture d’esprit, se mélanger avec des gens différents, remettre en questions ses croyances, apprendre de nouvelles compétences et partager les siennes, prendre le temps d’être à un endroit.

Tout ça, sans prix. Mais pas sans valeur.

Juste ton temps. Et aller à un endroit pour le faire. Bref, un moyen de faire de nous de meilleur.e.s humain.e.s de manière très accessible.

Quand est-ce que tu commences ?

Explore : (fermes écologiques), , .

A propos du lieu, même en France (et si ça se trouve tout proche de chez toi) se trouve ton premier échange de service ! Si tu veux absolument du dépaysement, dis-toi que les helpers sont souvent étrangers, et que même les hôtes en France peuvent l’être. (mon premier, grâce à Lucile T., c’était juste à côté de Lyon, chez un couple d’Anglais qui avaient racheté un domaine viticole et c’était de la grosse balle !).

Edith Maulandi
Edith Maulandi

Written by Edith Maulandi

In love with discovering and experiencing new universes and sometimes writing about it to share.

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